Avant de commencer à évoquer ce sujet, nous devons parler de la dénomination à utiliser pour traiter du sujet de ces carburants.
En effet, deux mots existent pour parler de ce qui est considéré comme des carburants provenant de ressources naturelles :
Biocarburants qui est le mot actuellement le plus utilisé pour en parler. C’est aussi le terme retenu officiellement par le Parlement européen [1]. Néanmoins, ce mot est à éviter car il donne aux agrocarburants une connotation écologique, alors que leur récolte nécessite des émissions importantes de CO2.
Agrocarburants qui est le mot retenu par Greenpeace [2]. Ce mot est beaucoup plus exact car il souligne bien la provenance agricole de ces carburants tout en ne faisant pas d’amalgame sur la façon de les produire.
Dans cet exposé, nous utiliserons donc le terme « Agrocarburants ». De plus en plus d’organismes commencent à adopter ce mot.
Notes
[1] « a)« biocarburant », un combustible liquide ou gazeux utilisé pour le transport et produit à partir de la biomasse ; b) « biomasse », la fraction biodégradable des produits, déchets et résidus provenant de l’agriculture (y compris les substances végétales et animales), de la sylviculture et de ses industries connexes, ainsi que la fraction biodégradable des déchets industriels et municipaux » http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ...
[2] « On parle parfois de biocarburants, le préfixe « bio » faisant référence à la biomasse. Greenpeace refuse ce terme qui peut laisser croire que ces carburants seraient « bio ». Ce n’est malheureusement pas le cas. » http://www.greenpeace.org/france/ca...
Il existe principalement deux types d’agrocarburants : les agrocarburants à l’état liquide (éthanol, méthanol, ETBE, ...), les plus couramment utilisés et sur lesquels nous porterons donc davantage notre attention, et les agrocarburants à l’état gazeux (biogaz), qui ont dépassé depuis peu le stade de la recherche.
Le Brésil fut le premier pays à lancer sa campagne d’agrocarburants avec le programme Proalcool en 1975 [1]. Les Etats-Unis ont suivis peu après avec la création du NREL (Laboratoire nationnal sur les énergies renouvelables) qui fut opérationnel en 1991. Il n’était à la base qu’un laboratoire sur les énergies solaires non national depuis 1977.
Les agrocarburants à l’état liquide sont divisés en deux grandes filières de production en France :
La filière huile à partir du colza, palme, Jatropha Curcas [2] et tournesol.
La filière alcool à partir de la fermentation de sucres de betterave (donc betteraves sucrières), d’amidon de blé, de canne à sucre, de maïs ou de déchets végétaux.
Les agrocarburants de première génération qui sont des agrocarburants issus des organes de réserve des plantes (l’endroit où les plantes stockent leurs sucres). Les agrocarburants de première génération ne sont donc pas en adéquation avec les besoins alimentaires ressentis par la population de nos jours.
Les agrocarburants de seconde génération qui eux utilisent les plantes entières. Il est donc possible avec les agrocarburants de seconde génération d’utiliser une partie de la plante pour l’alimentation et le reste (paille, tiges, feuilles, déchets, ...) pour la production d’agrocarburants.
L’Europe [3] et la France [4] ont commencé la production d’agrocarburants de seconde génération.
Avant tout, commençons à étudier les agrocarburants de première génération.
La filière huile est la plus naturelle pour la production d’agrocarburants, mais ceux-ci ne fonctionneront qu’avec les véhicules à moteur diesel. Ces moteurs ayant préalablement été inventés pour fonctionner avec de l’huile végétale en guise de carburant, ils ne nécessitent pas vraiment (ou très peu) de modifications pour fonctionner avec exclusivement de l’huile. C’est donc aussi la solution la plus naturelle.
Rappelons avant tout que le pétrole est une huile minérale. Cette solution est donc la plus proche techniquement parlant du pétrole.
Le biodiesel est obtenu par la transformation des triglycérides (principal constituant des huiles végétales) ; la transestérification (condensation d’un alcool avec un acide carboxylique) de ces huiles, avec du méthanol ou de l’éthanol, en présence d’un catalyseur, généralement de l’hydroxyde de potassium KOH ou de sodium NaOH), produit des Esters d’Huile Végétale, respectivement méthyliques (EMHV) et éthyliques (EEHV). L’estérification est réalisée à température modérée (20-80°C) et à pression atmosphérique. Voici un schéma [1] de ce procédé :
On peut voir que le colza est majoritairement utilisé en France pour la production du biodiesel [2].
Production d’huile par les oléagineux terrestres
La technique d’extraction de l’huile est appelée l’extraction par pressage. Cette technique est expliquée ci-dessous.
Pour extraire l’huile des végétaux, on place les végétaux comme le blé, le jatropha puis on les presse avec une presse à vis (photo ci-contre) pour obtenir de l’huile. C’est la même technique utilisée pour extraire l’huile d’olive.
Cette vidéo montre l’extraction de l’huile végétale dans du colza [3] :
L’huile végétale serait de plus meilleure pour les moteurs, car elle contient de l’oxygène [4]
Grâce à cet agrocarburant produit à partir des huiles végétales, les avantages seraient sans doute multiples :
L’énergie utilisée serait renouvelable.
Produire le carburant en même temps que la production alimentaire, donc gros avantages écologiques (les travailleurs agricoles pourraient même produire eux-mêmes leur carburant)
On pourrait utiliser de l’huile usagée pour rouler. Cette huile usagée pourrait être récupérée dans les restaurants qui aujourd’hui doivent payer des entreprises pour s’en débarrasser.
Malheureusement, nous ne pouvons pas dire à cette date si d’un point de vue économique cette solution serait intéressante. Effectivement, la Taxe Intérieure sur les Produits Pétroliers (TIPP) vient d’être renommée (en 2005) TIC (Taxe Intérieure sur les Carburants). Les agrocarburants seraient donc au même titre que l’essence soumis aux taxes.
Passons maintenant aux inconvénients générés par l’huile végétale :
Pas forcément Biologique :
Risque de déforestation pour produire les agrocarburants, donc émission de CO2 et suppression d’arbres capables de réaliser la photosynthèse (phénomène qui consomme le dioxyde de carbone).
Bilan écologique négatif si le colza est produit de manière intensive pour en extraire l’huile (due à l’utilisation d’engrais et de dioxyde de nitrate)
Risque de pluies acides due à la surcompression demandée par l’utilisation de l’huile végétale dans un moteur a combustion interne (génération plus intensive de NO2 et NO3)
Les oxydes nitreux pourraient aussi générer plus de gaz à effet de serre. Effectivement, ils ont un potentiel de ré-émission des infrarouges supérieures au CO2. Ceci pourraient participer au réchauffement de la planète.
Faible disponibilité
Prix similaire au pétrole (en grande partie due aux taxes s’appliquant au produit)
Risque de détournement du produit par les firmes pétrolières en disant que celui-ci est un produit totalement écologique et ceci grâce aux OGM qui accélèrent sa production.
Surface de production nécessaire trop importante (la France entière ne serait pas assez vaste pour fournir des agrocarburants pour tout le pays)
Production d’huile par les micro-algues oléagineuses
La production d’huile par les micro-algues présente un rendement beaucoup plus important que la production par l’agriculture terrestre. On estime le rendement30 fois supérieur par unité de surface. De plus, la production par les micro-algues propose une solution innovante de recycler le CO2. Effectivement, la production d’huile avec des micro-algues nécessite du CO2 dans les bassins et les bioréacteurs. On peut donc par exemple coupler la production de micro-algues à une centrale à charbon qui au lieu de rejeter du CO2 dans l’atmosphère utilisera ce même CO2 pour produire ces micro-algues.
Plusieurs pays comme les États-Unis, la France [5], Israël, l’Allemagne, la Chine,... sont en train de tester cette production d’algues. Actuellement, le prix au litre est encore trop cher pour concurrencer le pétrole, donc les entreprises essayent de produire en masse ces micro-algues.
La filière à huile est donc intéressante pour produire des agrocarburants si le problème économique venait à se résoudre et si la production en masse avec engrais et pesticides pouvait être évitée. Sans ces points, le gazole est encore la meilleure chose.
Toutefois, il existe donc la solution des micro-algues qui pourrait s’avérer intéressante d’un point de vue écologique.
Les carburants issues de la filière huile peuvent être utilisés dans des moteurs à essence. Actuellement, 3 types d’agrocarburants issus de cette filière sont disponibles :
Le bioéthanol est complétement identique à de l’éthanol. La seule explication du préfixe bio composant ce mot est quand l’agrocarburant est produit à partir de la biomasse. Effectivement, il est possible de produire le produit avec une synthèse des hydrocarbures. Certains écologiques refusent le préfixe bio car celui ci ferait un amalgame (comme entre biocarburants et agrocarburants) entre la production écologique de ce produit.
Le bioéthanol est obtenu à partir de la fermentation des sucres de la betterave, canne à sucre, maïs, blé,... avec des levures telles que les Saccharomyces ; mais des déchets tel que du vieux papier peuvent faire du bioéthanol.
Il y a donc ici une culture des sucres pour les faire fermenter et former du bioéthanol.
La fabrication de l’éthanol se fait par fermentation des sucres contenus dans les plantes comme le colza, le jatropha curcas, le blé,... avec des levures telles que les Saccharomyces. Suivant l’état de polymérisation des molécules, on sépare les polymères pour n’avoir que des cures simples à fermenter. Après cette fermentation, l’éthanol est distillé puis déshydraté. Le schéma ci dessous montre le processus complet.
Le bioéthanol est ensuite vendu en tant qu’agrocarburant. Le nom du carburant est constitué de la lettre E suivi d’un nombre (de E5 à E100) qui est en fait le pourcentage de bioéthanol contenu dans le produit (le reste étant de l’essence). Le bioéthanol le plus répandu en France est le E85. C’est le seul autorisé par l’État depuis mars 2007 [1].
La France était en 2008 première dans l’union européenne en production de bioéthanol :
Le bioéthanol possède cependant un inconvénient de taille par rapport au pétrole : le prix. Le bioéthanol coûterait quasiment 2 fois plus cher que le pétrole. Les utilisateurs seraient-ils prêts à dépenser 2 fois plus pour l’environnement ?
La vidéo ci dessous provient elle aussi d’Envoyé Spécial. L’industriel - Daniel Colar - possède la plus grande entreprise de production de bioéthanol de France : Cristal Union.
L’ETBE est un dérivé de l’essence. Il est obtenu grâce par la réaction entre l’éthanol et l’isobutène (obtenu lors du raffinage du pétrole). L’ETBE serait plus performant pour les moteurs étant donné que celui-ci présente un plus grand pouvoir de combustion par rapport à l’E85. Mais celui ci est très polluant pour l’environnement et présente donc des inconvénients non négligeables.
L’éthyl-tertio-butyl-éther (ETBE) est un dérivé de l’éthanol. Il est obtenu par réaction entre l’éthanol et l’isobutène (obtenu lors du raffinage du pétrole) et est utilisé comme additif à hauteur de 15 % à l’essence. L’ETBE aurait l’avantage d’être mieux adapté aux moteurs. En effet, l’incorporation directe de l’éthanol à l’essence pose certaines difficultés techniques : le mélange essence/éthanol a une pression de vapeur plus élevée et tolère mal la présence de traces d’eau. Néanmoins, l’ETBE est moins vertueux pour l’environnement, d’où le choix de la France (et de nombreux autres pays) pour l’E85.
Le Biobutanol
Le biobutanol n’est pas très répandu dans le monde.
Il est obtenu à l’aide à la bactérie Clostridium acetobutylicum qui peut de transformer les sucres en butanol-1 (fermentation acétonobutylique). Certaines entreprises comme BP commercialisent actuellement le biobutanol ; il présente de nombreux avantages par rapport à l’éthanol (moins volatile et moins agressif vis-à-vis de certains plastiques) et est de plus en plus souvent évoqué comme agrocarburant de substitution à l’heure du pétrole cher. Il n’est pour l’instant pas distribué en Europe.
Après l’étude de ces agrocarburants de première génération, le plus rentable et le plus proche à venir serait donc le bioéthanol.
Cet extrait est tiré d’une vidéo de Greenpeace présentée sur leur site de campagne dédié à la déforestation (dans la rubrique « En savoir plus sur la déforestation »). Ce sujet est en effet capital d’un point de vue écologique, puisque d’après Greenpeace, la déforestation est à la source de 20% des émissions mondiales de CO2, soit davantage que le secteur des transports !
La vidéo originelle montre schématiquement la récolte illégale et incontrôlée de bois, canne à sucre, soja et huile de Palme en Indonésie, au Brésil et dans le bassin du Congo. Puis elle met en rapport ces récoltes avec les produits consommés en Europe à partir des matières premières importées de ces pays. Nous n’avons gardé que la partie consacrée aux agrocarburants.
Cela explique les termes « ici » et « là-bas » employés au début de l’extrait, qui peuvent surprendre lorsque l’on n’a pas vu le tout début de la vidéo intégrale.
Les agrocarburants sont un exemple de produit consommé en Europe à partir de matières premières importées : selon Greenpeace, le processus d’élaboration des agrocarburants produit « des quantités énormes de CO2 », ce qui en fait donc une « Fausse bonne idée ».
De plus, d’après Frédéric Linget [1], seules 40% de nos voitures pourraient fonctionner aux agrocarburants si l’on tentait de généraliser cette technique, compte tenu de leur faible rendement et des surfaces arables disponibles.
Le biogaz est un agrocarburant issu de la fermentation des matières organiques dans un milieu désoxygéné. Cette fermentation (naturelle) est appelée méthanisation. Le biogaz est composé essentiellement de méthane, c’est pour cela qu’on peut aussi l’appeler biométhane. Il est aussi composé de CO2, H2O, H2S et O.
La combustion du méthane en l’utilisation de carburant serait intéressante car en effet :
La méthanisation est le processus naturel de dégradation de la matière organique dans un milieu sans oxygène. On retrouve ce procédé dans les sédiments, les marais, les rizières,... . La matière organique dégradée se retrouve principalement sous la forme de biogaz (à plus de 90%). Le reste est utilisé pour la croissance et la maintenance des micro-organismes.
Ce carburant est très proche du gaz naturel. Actuellement, seuls des bus roulent au biogaz. Ce carburant n’est pas encore généralisé dans le monde.
Les biocarburants de seconde génération sont les plus avantageux pour une bonne raison : la biomasse utilisée pour la production de ce biocarburants ne sert pas à l’alimentation. Effectivement, les biocarburants de première génération sont actuellement d’après l’ONU un facteur de sous-alimentation des pays pauvres.
Rapport sur le droit à l’alimentation de Jean Ziegler, résolution 6-2-2007 [1] :
Avec les filières de seconde génération, on peut fabriquer de l’éthanol cellulosique et du carburant diesel de synthèse (BtL). Ici, on utiliserait de la paille de céréales, des déchets forestiers,...
Par conséquent, le schéma générique du procédé comprend les principales opérations unitaires suivantes : le prétraitement de la matière première, l’hydrolyse, la fermentation éthanolique et la séparation de l’éthanol du moût de fermentation.
Voici un schéma de ce procédé :
Cette filière est celle à prioriser étant donné les problèmes de faim dans le monde qu’il y a. Le brésil a déjà commencé à exploiter cette filière avec la canne à sucre [2].
Pour conclure, on peut dire que les biocarburants ne sont pas si économiquement intéressants. Pour que ces biocarburants soient utilisables, il faut utiliser les filières de production de seconde génération pour éviter de créer des problèmes de sous nutrition à cause de cette nouvelle agriculture.
Voici la comparaison des différents prix de ces carburants :
Prix moyens des différents carburants dans les supermarchés PACA [1]
Carburant
Coût réel au litre
SP 95
1,24 euros
Gazole
0,80 euros
Super Ethanol
0,95 euros
Par contre, il réduirait les émissions de CO2 comme le prouve cette étude britannique :
La production de bioéthanol avec la canne à sucre au Brésil et la solution la plus intéressante car elle émet seulement 18 grammes de CO2 par Mégajoule d’énergie. La France a aussi un bon rapport avec 49 grammes de CO2 par Mégajoule d’énergie.
Mais les émissions de CO2 pourraient être égales aux émissions de l’essence (86 grammes de CO2 par Mégajoule d’énergie) si la production n’était pas écologique (utilisation d’engrais et de pesticides).
Notre conclusion est que la production d’éthanol au Brésil avec la canne à sucre est la meilleure. La France est aussi bien placée mais chacun doit faire ce qu’il peut avec son agriculture. Ces chiffres sont donc très variables pour « hiérarchiser les pays les moins polluants volontairement ».
De plus, rappelons que la France était première productrice européenne en 2008 de bioéthanol (comme dit ci dessus).